Le troisième testament

L'histoire
Dieu apparut un jour à Julius de Samarie et lui confia un coffre. Il lui dit : ''Ce coffre représente tout ce qu'un homme doit connaître''. Je te le confie. Quitte ta terre et les tiens pour chercher l'endroit le plus secret du monde. Là, sans jamais l'avoir ouvert, tu déposeras le coffre. Telle est Ma Volonté''. Alors Julius quitta sa terre et les siens. Il trouva l'endroit le plus secret du monde et y déposa le coffre. Mais au moment de partir, il ne put s'empêcher de soulever le couvercle. Ce que le coffre contenait, Julius ne le vit jamais, car Dieu ouvrit la terre sous ses pieds et Julius y fut englouti pour l'éternité.



Mon avis
"Le troisième testament", c'est un peu le blockbuster de la BD contemporaine : du très grand spectacle avec beaucoup de moyens. S'il peut être facile de critiquer le côté mercantile de l'exercice, il n'est pas possible d'en nier l'aspect puissamment divertissant. Car c'est du bon, du très bon même. Et ce, à tous les niveaux : une histoire aux enjeux internationaux, un scénario très maitrisé, et des graphismes dans lesquels on pourrait s'y perdre des heures, tant ils sont immersifs. Mais là où les auteurs auraient pu rester sur du simple divertissement, à coups de combats à l'épée, de poursuites à cheval et de jeunes princesses à demi nues, ceux-ci ont décider de ce documenter, de construire leur histoire avec le concours d'historiens, et plonger dans une quête ténébreuse qui ne tombe jamais dans le défaut de beaucoup d'oeuvres d'héroïque fantasy : grosses épées, grosses poitrines, gros humour. "Le troisième testament" n'est même pas une oeuvre d'héroïque fantasy, il s'agit d'aventure teintée d'éléments historiques et de fantastique.

Rarement les intrigues de l'Eglise médiévale et des Templiers n'auront été aussi bien narrées. Les personnages sont prenants, et malgré leur multiplicité, tous sont très cohérents. L'histoire avance à vive allure, mais sans jamais faire d'ellipse maladroite ou de simplification d'intention. En même temps, Xavier Dorison sait y faire, malgré que "Le troisième testament" soit sa première série. De plus, il a le bon goût de la raconter en seulement quatre tomes (avec un dernier tome un peu augmenté). Ce qui pourrait même être frustrant vu le potentiel que possède l'univers. L'auteur expose clairement son point de vue concernant les cultes, et plus précisément l'église chaotique, son désire insatiable de pouvoir, sa folie meurtrière et les enjeux politiques qui gravitent tout autour, car au final, il ne s'agit que de politique, la foi n'étant qu'un outil.

Graphiquement, c'est tout simplement superbe. Si dans les premières planches du premier tome, Alex Alix se cherche un peu, très vite on ressent tout le plaisir qu'il a à dessiner, excellant dans des paysages immenses, complexes, sombres, et d'une finesse rare. Que de plaisir de se perdre dans les cryptes souterraines, les forêts, les châteaux irlandais, les montages enneigées, ou simplement les campagnes vertes que les chevaux des héros parcourent à vive allure. Un travail très soigné est apporté aux couleurs, la lumière et la construction des planches où que les cases remplissent en se chevauchant, en remplissant tout ou en s'intégrant à d'autre, donnant un dynamisme rarement vu dans le genre.

"Le troisième testament" est une oeuvre mémorable dont il conviendra de lire les quatre tomes d'affilés pour en saisir toutes les nuances et toute la complexité ; le nombre de lieux, de personnages, et d'époques étant importants ; une histoire brutale et obscure, servie par des dessins d'une vraie finesse. A noter qu'un préquel, par les mêmes auteurs, est sorti quelques années plus tard "Le troisième testament - Julius", qui convient de lire après la série d'origine.