Siegfried

L'histoire
Siegfried est un jeune garçon élevé par Mime le forgeron, l’un des derniers Nibelungen. Vivants tous deux au fin fond d’une sombre forêt, avec pour seuls voisins quelques loups, ils ne sont pas faits pour s’entendre. Alors que le nibelung Mime n’aspire qu’à la tranquillité, Siegfried, lui, veut découvrir qui sont ses véritables parents et vivre parmi les humains. Et c’est le dieu Odin, père de tous dieux nordiques, qui va lui en donner l'opportunité en lui donnant pour mission d'aller combattre le terrible dragon Fafnir qui garde l’or maudit du Rhin. Et Odin risque de perdre sa couronne car celui qui possède l'or, possède le pouvoir absolu. Siegfried est son seul espoir. Tout devrait bien se dérouler, mais c'était sans compter la trahison de sa fille, la Walkyrie.



Mon avis
Fans d'ésotérisme, de poésie, de légendes anciennes et de magie, la trilogie "Siegfried" est pour vous. Pensée à la base comme un one shot, le célèbre auteur du "Troisième testament" décide, face à la densité du matériau de base, de créer une trilogie dense, qui rend hommage aux mythologies nordiques, et notamment celle de l'épopée médiévale et fantastique de la Chanson des Nibelungen, en se concentrant sur l'histoire de Siegfried, le héros de la légende. Alex Alice explique qu'après de nombreuses recherches pour créer une histoire d'Heroic Fantasy ambitieuse, c'est l'opéra de Richard Wagner sur le même héro (le "Ring") qui l'aurait véritablement inspiré.

L'histoire, d'un premier abord complexe, s'inscrit dans une dimension très métaphorique de notre monde. En parallèle, bien plus classique, se raconte celle d'un héros en quête de sens, soumis à plusieurs épreuves et dont l'enjeu final n'est pas de tuer le monstrueux dragon, mais bien de comprendre qui il est et quelle sa place dans son monde. Pour cela, l'auteur a l'idée plutôt intéressante de faire raconter sa quête (celle de Siegfried, donc) par une sorcière lisant l'avenir à la Walkyrie (fille de Odin, excusez du peu !), un avenir auquel cette dernière demeure intimement liée et dont l'accomplissement se révèle inexorable. Elle ne peut échapper à son destin, malgré ses tentatives, tiraillée entre son affection pour Siegfried et ses devoirs divins, mais aussi de fille d'Odin. Et ce très astucieux précédé permet de créer plusieurs couches de lectures très pertinentes. Si la quête de sens de Siegfried reste l'enjeu principal de cette trilogie, celle-ci va résonner avec plusieurs autres sous-thématiques tout aussi intéressantes, voir peut-être plus. A savoir le sacrifice, l'amour inconditionnel ou l'ambition et le conservatisme. Car le pouvoir (même celui de régner en maitre sur le monde) ne donne aucune liberté, et demande souvent les pires sacrifices, jusqu'à sa propre chair, et la chair de sa chair. L'autre élément très astucieux mise en place par l'auteur, est le personnage de Mime le Nibelungen. Celui-ci permet au lecteur d'avoir un personnage plus léger que les autres (et donc de rendre la lecture plus accessible), engagé malgré lui dans cette quête mortelle ; mais attention, Mime est plus léger qu'il n'y parait, et sa destinée permet peut-être d'envisager ce qu'est la vraie liberté.

Graphiquement, nous avons le droit à une oeuvre magistrale. Que c'est beau ! Mais que c'est beau ! Tant les cadrages, les couleurs, les décors, tout invite à la poésie et à la magie. Les lumières, qui reflètent sur les personnages, créées tantôt par la lune, la neige, le feu, le soleil ou les reflets de l'eau, donnent un ton mystique aux pages dont les contours sont parfois noirs pour accentuer l'enfermement des héros, dans un monde où les règles ne peuvent être rompues, même pour les dieux.

Il convient de lire "Siegfreid" en écoutant l'opéra de Wangner du même nom que cette superbe trilogie. Evidemment, tout le monde ne rentrera facilement pas dans ce mythe parfois obscur, avec tant de sous-lecture qu'il conviendra de lire plusieurs fois pour en envisager tous les sens. Le mieux étant de lire "Siegfried" sans en chercher tous les messages, se laisser porter par les paroles des personnages, les espaces magnifiques et la musique de Wagner. A noter qu'à la base, Alex Alice avait prévu de réaliser un film d'animation sur la même histoire. Une magnifique bande annonce (que l'on peut facilement retrouver sur Internet) avec même été réaliser pour trouver des investisseurs. Malheureusement, faute de financement suffisant, le film n'a jamais vu le jour.