Conan le Cimmérien

L'histoire
Les temps pré-cataclysmiques firent disparaitre, malgré leur puissance, touts les peuples du passé comme celui des Pictes, d'Atlantide ou de la Lémurie. Ainsi, toute la civilisation des Thuran disparut. Plusieurs milliers d'années s’écoulèrent pour que le monde, malgré un second cataclysme, se stabilise et permette d'abord aux hommes-singes, puis aux humains de se réapproprier les mers et les montagnes. L'âge hyborien (environ -14000 à -10000 avant JC) vit l'avènement de nouveaux maitres de guerre, des divinités cruelles et de la magie. Et c'est à cet âge que Conan nait, au coeur de la Cimmérie, contrée glaciale et dangereuse, coincée entre le royaume d'Asgard, les contrées d'Aquilonie, et les anciennes terres Pictes. Conan est un aventurier, sans autre but que celui de vivre avant de se faire tuer. Il ne croit qu'en lui et en Crom, une divinité de Cimmérie à laquelle il ne sert à rien demander quoi que ce soit. Crom a donné l'acier à l'homme, et il n'a besoin de rien d'autre. Ainsi, Conan parcoure le monde, tente d'y survivre, et pourquoi pas s'y enrichir.

Mon avis
Voici une oeuvre singulière car, avec Conan le Cimmérien, nous voilà face à l'une des sources de l'héroïque fantasy, par l'auteur Robert E. Howard, disparut précocement un an seulement après avoir écrit la dernière aventure de ce héros très connu des années 30, puis tombé dans l'oubli, et revenu à la postérité au début des années 70. Car ce qu'il faut savoir c'est que Conan, ce sont au départ des nouvelles écrites sans chronologie, sans lien narratif, par Howard, et publiées pendant seulement quelques années dans la revue Weird Tales. Au total, une petite vingtaine de nouvelles et un roman, pas plus. Puis, ce sont les comics américains qui s'empareront du héros avec des adaptations kitchs à souhait. John Milius en proposera une aventure cinématographique (avec l'inoubliable Arnold Schwarzenegger), où le cimmérien deviendra "Conan le barbare". Cette adaptation très réussie achèvera la renommée internationale du personnage, mais en le faisant passer de l'état d'aventurier à celui de gros bourrin qui réfléchit peu. Cela dit, on ne peut en vouloir à Milius, l'oeuvre ayant déjà été pas mal dénaturée par les précédentes adaptations en roman et bande-dessinées souvent très laides. Puis, au début des années 2000, grâce aux éditions Bragelonne et sous la direction de Patrice Louinet, les textes originaux de Conan ressortent et permettent enfin d'appréhender notre barbare préféré comme son auteur l'avait imginé. En 2018, Glénat adapte, en 15 tomes, toujours sous la direction de Patrice Louinet, plusieurs des nouvelles originales, pour la première fois en bande-dessinée franco-belge, avec toute une série d'auteurs habilement sélectionnés pour l'occasion dont le concept est : une nouvelle -> un auteur -> un tome.

Ne cherchez pas un lien narratif entre les histoires de Conan, il n'y en a pas. Imaginez plutôt un aventurier qui vous raconte ces péripéties, dans le désordre, au fil de ses mémoires. Ainsi, chaque tome de cette nouvelle série fonctionne de cette manière, par le prisme inspiré de chaque auteur et autrice. Alors oui, certaines histoires peuvent paraitre un poil too much, des évènements vite racontés, des fins un peu expédiées, mais il ne faut pas oublié que les nouvelles originales dates des années 30. A cette époque, nous ne sommes qu'aux prémices des aventures d'héroïques fantasy modernes et complexes. Patrice Louinet ayant fait respecté l'inspiration initiale, à travers des visions singulières d'artiste, dans jamais dénaturer la matière d'origine.

Graphiquement, certains tomes pourront en rebuter quelques-uns, notamment le premier ("Le reine de la cote noire"), par son trait très cartoonesque. Mais d'autres sont impressionnants, comme le tome quatre ("La fille du géant du gel"). La magie prend vite, et on est surpris à avaler, sans s'en rendre compte, ces nouvelles qu'il est si plaisant de (re)découvrir. Conan n'est pas le bourrin qu'on imagine, mais ce n'est pas un sage non plus. Le monde est cruel, et seuls les plus forts sans sortiront. Conan le sait bien, alors il avance, sans réel but, se laissant porter au gré du vent et des aventures, mais sans jamais demeurer un simple spectateur. Il ne frappe pas en premier, mais répond toujours aux attaques. Et dans ces pays qu'il ne comprend pas, si loin des coutumes de sa Cimmérie natale, tantôt voleur, arpenteur, pirate, combattant ou même roi, Conan reste lui-même, cédant parfois aux charmes des femmes qu'il rencontre, tuant des serpents géants et fracassant des êtres démoniaques.

Howard ne croyait pas aux civilisation, à la toute puissance de l'être humain. Pour lui, toutes étaient vouées tôt ou tard à anéantissement. Ainsi, à travers ses nouvelles, il explore régulièrement une même thématique, celle de l'effondrement (souvent par la violence), la disparition des sociétés. Puis il y plonge son héros dans ces restes de civilisations disparues, dont plus personnes ne se souvient, ou d'autres sur le déclin, le Cimmérien devenant l'un des derniers témoins des splendeurs passées.

Conan est peut-être à réserver uniquement aux amateurs du genre, et pourtant, il serait dommage de passer à côté d'une oeuvre, certes brutale, mais également épique, puissante et franchement distrayante.

A noter qu'une version noir et blanc est disponible pour chaque tome.