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    Aujourd'hui est un beau jour pour mourir
    titre original : Hoy es un buen día para morir

     

    Scénario :   Colo
    Dessin :   Colo
    Genre :   Science-fiction
    Année :   2019
    Edition :      Edition du long bec
    Nombre de tomes :   1
    Statut :   One shot
    Public :   Pour adulte et adolescent



    Aujourd'hui est un beau jour pour mourir couv 01

    L'histoire
    Dans un futur proche, le "Chuchoteur" est poursuivi par toutes les polices du pays. Son crime : il pirate les ondes de la principale chaîne de télévision pour diffuser des messages à destination d'une population selon lui trop docile à l'égard de ceux qui détiennent pouvoir et argent. Qui est cet homme qui éveille les consciences des uns et heurte les susceptibilités des autres ? Un des membres d'un groupe de rock qui cherche désespérément à enregistrer sa première maquette ? Un écrivain en panne d'inspiration ? Un assassin impitoyable au service d'un grand groupe pharmaceutique ? Un autre protagoniste de ce récit "chorale " ? Lorsqu'un mystérieux "virus de la dépression" se propage sur une bonne partie de la planète (les personnes infectées se mettent à pleurer des larmes de sang quelques instants avant leur mort), les autorités préfèrent faire une priorité de la capture du "Chuchoteur", le terroriste informatique...

    Aujourd'hui est un beau jour pour mourir

    Mon avis
    « Aujourd’hui est un beau jour pour mourir » est l’une de ces oeuvres qui fait écho à toute la diversité qu’est la bande dessinée. Ici, Colo (de son vrai nom Jesús Colomina Orgaz), ne se cantonne pas à un genre, mais explore la science-fiction, le polar, le drame psychologique, et post apocalyptique, à travers une histoire chorale finement ciselée de plus de 300 pages qu’il faudra quelques heures pour en venir à bout. On peut se retrouver un poil déconcerté en attaquant ce pavé (l’édition étant un peu lourde à manipuler). En effet, l’auteur semble raconter son histoire au fil de son inspiration, jonglant avec les différents personnages qui la constituent. L’exercice pourrait être difficile à réaliser, sauf que le talent de l’auteur lui permet de tenir le lecteur en haleine de bout en bout grâce à un univers bien pensé où chaque protagoniste tente de s’en sortir du mieux qu’il le peut. En effet, le Madrid (légèrement futuriste) décrit ici est sombre, violent, inhumain, sans espoir, constamment à la limite de la rupture dans la première partie. Puis devient, dans la seconde, le décor principal de l’effondrement mondial du monde que l’on a connu.

    La douleur semble être le leitmotiv de Colo dans cette histoire. Si le burn-out peut être une expérience personnelle douloureuse, et bien ici l’auteur décide de la rendre collective, et ce à tous les niveaux de la hiérarchie sociale, simultanément ; une dépression totale qui n’a pas d’autre alternative que la mort. L’auteur en rajoute une couche en présentant un gouvernement plus motivé à poursuivre un hacker informatique un brin révolutionnaire, que de s’attaquer au vrai mal qui ronge la société et qui la conduit inexorablement à sa perte ; en enchainement à chaque fois les mauvais choix, des choix purement politiques et jamais au service de la communauté. Colo assène sa vision de notre monde, une humanité dédiée à disparaitre, malgré toutes les créations incroyables qu’elle a pu générer : l’art, l’amour, l’empathie et la dévotion pour l’autre. Chaque personnage de Colo est seul, face à lui-même, et poursuit un destin personnel (à l’opposé d’un investissement pour la communauté) et reproduit ainsi à son échelle les erreurs de ses dirigeants. Mais en même, que faire d’autre ? Colo épargne momentanément les enfants de l’extermination, même si l’on se doute bien que c’est temporaire puisque les enfants vont grandir. Ainsi, les personnages continuent leur vie, malgré le drame dont ils sont témoins, et croyant toujours que tout va s’arranger, qu’ils seront épargnés, que cela ne peut pas arriver. Jusqu’au moment où l’effroyable vérité explose à leur figure, lorsque fuir n’est plus possible.

    Les dessins de Colo évoluent au fur et à mesure que les évènements plongent les protagonistes dans l’enfer ; des planches toujours plus obscures, des couleurs sépias qui heurtent des pastels froids et le sang, des traits nerveux. Les décors sont fouillés et les différentes ambiances sont saisissantes, surtout lorsque le monde commence à s’effondrer.

    Construit en chapitres de 50 pages chacun (bien pratique pour faire des pauses !), « Aujourd’hui est un beau jour pour mourir » est une oeuvre post-apocalyptique originale puisqu’elle ne parle pas des survivants, mais des victimes. Peu d’espoir sera donné au lecteur. L’enjeu n’est pas là. A l’aube d’un millénaire qui se révèlera le dernier ou celui d’un nouveau départ pour l’espèce humaine, il est des histoires, complètement en phase avec son temps, qui mettent en garde et qui doivent être partagées. Colo montre ici que l’art n’est pas forcément un loisir, mais bien un moyen d’expression qui se doit avant tout de réveiller les consciences, susciter le débat, et toucher pour faire réfléchir.


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    La terre des fils

     

    Scénario :  
    Dessin :   Gipi
    Genre :   Science-fiction
    Année :   2017
    Edition :      Futuropolis
    Nombre de tomes :   one shot
    Statut :   Unitaire
    Public :   Tout public, avec réserves



    La terre des fils couv 1


    L'histoire
    C'est la fin de la civilisation. Il n'y a plus de société. Un père et ses deux fils, qui comptent parmi les survivants, tentent de survivre au cataclysme passé dont les causes sont restées inconnues. Chaque rencontre avec les autres, chaque expédience pour se nourrir, chaque nuit, est dangereuse. L'air est saturé de mouches, l'eau est empoisonnée. Combien de temps pourront-ils encore survivre ? Le monde n’a plus rien de bon à leur apporter.

    La terre des fils extrait 01

    Mon avis
    Si "La terre des fils" n'est pas des plus originale dans son histoire, son traitement et son univers demeurent quant à eux extrêmement fins, prenants, d'une noirceur bien profonde, où chaque page tournée plonge un peu plus le lecteur dans la conviction qu'il ne subsiste aucun espoir pour les personnages.

    La construction méticuleuse de chaque protagoniste permet de s'immerger complètement dans l'univers et d'en comprendre les enjeux psychologiques avec une densité rare dans les one shot ; ceux-ci ne permettent pas, de par leur nombre de page réduit, d'approfondir les relations et les background de chaque personnage rencontré. La narration est ici extrêmement fluide et solide, rien n'est laissé au hasard, et les planches muettes, qui fourmillent de détails, permettent de donner un ton, un rythme lourd au récit. Ici, on ne parle pas, on survit, et pour cela, il faut être discret. L'auteur crée justement tout un langage mi-moderne, mi-primitif pour exprimer clairement le retour en arrière de notre civilisation, sans omettre qu'elle fut. Les rares bribes restantes n'en sont pas les plus glorieuses, ce qui permet d'entrevoir également ce qui a conduit le monde à ce cataclysme barbare et pourrissant.

    La relation au père, la construction identitaire, sont les liens narratifs de toute cette oeuvre qui s'apparente parfois à une fable, sans jamais y plonger totalement, l'auteur restant à la limite de l'anticipation et d'une réalité bien concrète. Une nouvelle fois, le passage à l'âge adulte revient souvent à tuer le père, qu'il soit en nous ou véritablement face au héros.

    Graphiquement, si les premières planches peuvent surprendre, voir repousser, très vite on est pris par la puissante ambiance oppressante, sale, puante, humide, grouillante, qui suinte à chaque nouvelles étapes de la narration. Les enchainements entre les case sont dynamiques et permettent de maintenir méticuleusement une tension qui va forcément crescendo. Si les dessins peuvent sembler simples par endroits, ils sont en fait d'un impressionnante finesse et complexité. Les nuits sont magnifiques, les visages très expressifs et tous parfaitement reconnaissables, ce qui est un vrai confort de lecture.

    Que regretter, mise à part une conclusion un poil convenue ? Et bien que cela ne dure pas plus longtemps. L'univers posé ici étant tellement vaste, tellement puissant de part sa noirceur, que l'on aurait aimé suivre bien plus longtemps les héros de cette oeuvre glauque à souhait.


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    Shangri-La

     

    Scénario :  
    Dessin :  
    Genre :   Science-fiction
    Année :   2016
    Edition :      Ankama Editions
    Nombre de tomes :   one shot
    Statut :   Unitaire
    Public :   Tout public



    Shangri-La couv 01


    L'histoire
    Dans un futur lointain de quelques centaines d’années, les hommes vivent dans une station spatiale loin de la Terre. La station est régie non pas par un gouvernement, mais par une multinationale à qui est voué un véritable culte. En apparence, tout le monde semble se satisfaire de cette « société parfaite ». Dans ce contexte, les hommes veulent repousser leurs propres limites et devenir l’égal des dieux. Et c’est en mettant en place un programme visant à créer la vie à partir de rien sur Shangri-La, l’une des régions les plus hospitalières de Titan, qu’ils comptent bien réécrire la « Genèse » à leur façon.

    Shangri-La extrait 01

    Mon avis
    Shangri-La, bien que comportant quelques défauts, n'en demeure pas moins une oeuvre de la science-fiction qu'il est plus qu'intéressant à découvrir.

    Celle-ci possède effectivement quelques insuffisances inhérentes à la jeunesse (il s'agit de l'unes des premières BD de l'auteur) comme le fait d'avoir besoin de tout raconter, de tout vouloir surligner, de vouloir tout expliquer de peur peut-être de ne pas être compris. Mais ces défauts en font une finalement une oeuvre touchante, d'une fraicheur narrative rare et clairement vindicative, ce qui fait du bien.

    Shangri-La traite de l'hyperconsommation, du libéralisme dictatorial, et également des discriminations que vivent les minorités désignées comme bouc émissaire. Ces critiques résonnent évidemment très bien avec les difficultés sociales d'aujourd'hui. Il y avait de quoi faire trois tomes. On en redemande.

    Sans êtres d'une originalité absolument, le scénario fourmille de bonnes trouvailles et crée bien souvent la surprise. Graphiquement, certaines planches sont superbes même si l'on peut reprocher parfois un léger manque de lisibilité au niveau des visages qui peuvent été confondus, sans que cela ne gène en rien la lecture.

    Mention spéciale pour l'édition dont le tirage de base est déjà un tirage de luxe. Un vrai plaisir à regarder, à ouvrir et à feuilleter.


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    L'entrevue

     

    Scénario :  
    Dessin :  
    Genre :   Science-fiction, chronique sociale
    Année :   2013
    Edition :      Futuropolis
    Nombre de tomes :   one shot
    Statut :   Unitaire
    Public :   Tout public



    L'entrevue couv 1


    L'histoire
    En Italie, dans un futur proche. Parce qu’il pense avoir aperçu un vaisseau spatial dans le ciel, Raniero, un psychologue âgé d’une cinquantaine d’années, est victime d’un accident de la route. En instance de divorce, la voiture cassée, son cou maintenu par une minerve, il reprend le travail et fait la connaissance d’une nouvelle patiente, Dora, qui prétend avoir vu également le vaisseau spatial, et pouvoir communiquer par télépathie. Troublé par ses révélations, Raniero perd un à un tous ses repères. D’autant que Dora, adepte de la nouvelle charte sociale qui prescrit l’amour libre, lui tourne la tête.


    Mon avis
    Une oeuvre de science-fiction sentimentale et intimiste, voilà qui est rafraichissant. Et en plus, servi par une ambiance graphique toute singulière, de nuances de gris douces et raffinées. Les premières pages ne plantent pas tout de suite le décor dans lequel va se dérouler cette histoire d'anticipation très proche. Et c'est ce qui fait la première surprise de cette album. Un futur pas si lointain, mais suffisamment pour rendre crédible les enjeux que vont devoir affronter les personnages, et le tout en Italie ! Prenez bien le temps de lire "L'entrevue" car une grande partie de son charme réside dans son rythme et ses silences.


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    L'incal

     

    Scénario :   odorowsky
    Dessin :   Moebius
    Genre :   Science-fiction
    Année :   de 1981 à 1988
    Edition :      Les Humanoïdes Associés
    Nombre de tomes :   6
    Statut :   Série terminée
    Public :   Tout public



    L'incal tome 1 L'incal tome 2 L'incal tome 3

    L'incal tome 4 L'incal tome 5 L'incal tome 6

    L'histoire
    Dans un futur éloigné, le minable détective privé de classe R, John Difool, reçoit l'Incal Lumière, une pyramide blanche aux pouvoirs extraordinaires, des mains d'un Berg (extra-terrestre venu d'une autre galaxie) mourant. L'Incal est recherché par de nombreuses factions qui veulent l'utiliser pour leur intérêt propre : les Techno-Technos (une secte de scientifiques), le Préz et ses bossus, l'Impéroratriz et les Bergs... En s'échappant, Difool se retrouve entraîné malgré lui dans une aventure qui le dépasse totalement et qui le transformera en sauveur de deux galaxies.

    L'incal extrait 01

    Mon avis
    Voici l’un des monuments de la science-fiction des années 80 qui a ouvert la voie à de nombreux auteurs de BD férus de guerres intergalactiques et de space opéra. Tout d’abord parue sous la forme d’une vingtaine d’épisodes dans la superbe revue « Métal Hurlant » dès 1980, elle sera ensuite publiée en 6 tomes (chapitrés par les épisodes).

    Certes, « L’Incal » partage beaucoup les opinions, les uns vénérant cette série, les autres la détestant. Ainsi, s’il est vrai que Alexandro Jodorowsky n’a pas besoin de psychotropes pour planer, il est facile de lui reprocher d’être vite perdu dans ses univers complètement barrés, aux mille lectures que même lui ne doit pas toutes comprendre. Faisant parfois fi de toute cohérence, Jodorowsky préfère la spontanéité créative au cadre raisonné d’une dramaturgie classique dont il laisse la responsabilité aux dessinateurs avec lesquels il travaille. Coup de chance, le dessin est ici confié au maitre Moebius qui va, à partir d’une histoire de science-fiction très sympa, faire naitre en un chef-d'oeuvre intemporel. On pourra reprocher à Jodorowsky de s’être largement inspiré des histoire de Dan O’Bannon, avec notamment les nouvelles du recueil « The long tomorrow » auxquelles Moebius a également participé. Cela est plus que possible, mais Jodorowsky insuffle un ton épique à son histoire, de l’humour et une action omniprésente qui permettent au lecteur (même si tout n’est pas toujours clair) de ne jamais s’ennuyer et de se laisser porter par une galerie de personnages pour le moins étonnants.

    Il est compliqué de résumer le scénario de l’Incal tant il y a de rebondissements et d’espaces métaphoriques explorés par ces deux auteurs. Mais l’Incal, pourrait être défini comme une bi-entité (noire et blanche) énergétique dotée de raison qui permet à l’être humain un équilibrage permanent entre le bien, le mal et le vide. Cette entité, qui possède sa propre raison, se doit malheureusement d’être incarnée par des humains, et si elle tombe entre de mauvaises mains, peut détruire définitivement ces fragiles équilibres et toute l’humanité qui vont avec. Tout le monde pourrait facilement se mettre d’accord sur le fait que ces déséquilibres causeraient la perte de tous, mais l’Incal confère à ceux qui le possèdent (tout du moins sa partie noire ou blanche) des pouvoirs surpuissants. Et quels groupes désirant le pouvoir pourrait refuser les dons de l’Incal ? C’est à partir de ce postulat de départ que Jodorowsky raconte son histoire. L’espèce humaine (et toutes les espèces intelligentes) n’ont qu’un unique objectif : obtenir le pouvoir, le faire grandir et perdurer, qu’importe les sacrifices, les massacres et les risques encourus. Et c’est par cette soif de pouvoir irrassasiable que l’homme a survécu de ses prédateurs et qu’il est devenu le prédateur suprême, pour lui-même aussi. L’Incal pourrait l’empêcher de s’autodétruire, mais le souhaite-t-il véritablement ?

    Dans cette série, beaucoup d’éléments allégoriques s’organisent autour de la dualité de l’esprit : l’Incal noir et l’Incal blanc, les siamois androgynes Imperoratriz (homme et femme), les tomes de la série racontés en dytiques, Animah (le côté femme de l’homme, qui s’amourache de Jhon Difool), etc. L’Incal, dans l’une de ses représentations de dualité à la forme d’une pyramide, pointe vers le haut. Cette représentation classique illustre l’organisation de la société dans laquelle évolue le héros John Difool (qui sera pour le coup le personnage qui possède le moins de dualité, constant dans sa bassesse de bout en bout, lâcheté, égoïsme, malgré son amour pour Animah). La société vit sur Terre 2014 (une reproduction de la Terre d’origine), dans ville de la Cité Puits où les plus riches demeurent à sa surface, et les plus pauvres dans les bas-fonds où stagnent d’immenses lacs ultras pollués d’acides dans lesquels il ne vaut mieux pas tomber. Le Prez (comprenez Président) a obtenu une sorte de mandat à vie, une vie qu’il rallonge en transférant son esprit de corps en corps jeunes et vigoureux. La population pourrait s’en émouvoir, mais tout le monde est en permanence connecté à une sorte de télé-réalité où l’on peut suivre les vies (bien mises en scène) des dirigeants, mais aussi des fugitifs qu’il est bon de voir dissous dans les lacs des bas-fonds. Le Prez maintient donc captif la population, ce qui permet aux vrais dirigeants, les Aristos (comme leur nom l’indique, ils représentent le pouvoir par l’argent) et les Techno-technos (une organisation spirituo-scientifique qui représente le pouvoir par l’église) de prospérer sans être trop inquiété. Ce petit monde possède cependant un ennemi comment, le/la Imperoratriz qui règne sur la galaxie et qu’il est très compliqué de corrompre. La découverte de l’Incal pourrait en arranger plus d’un pour se débarrasser des siamois. Mais c’est sans compter les Bergs, extraterrestres venus tout droit d’une autre galaxie mourante, qui ont malheureusement fait les mêmes choix politiques que les humains, et qui sont prêts à tout, même à reproduire nos et leurs erreurs, pour survivre.

    Sans détour, Jodorowsky pointe du doigt le côté sale et malsain de la politique, ses dérives et, avec ironie, la bêtise permanente des peuples qui votent pour ceux qui les exploitent. Ainsi, notre scénariste métapsychotique va faire traverser à ses héros de nombreuses épreuves pour tenter de les guider vers la solution ultime qui pourrait sauver l’espère humaine et proposée par l’Incal : et s’il ne fallait pas simplement « endormir » tous les esprits ? Sans pensée, le monde irait peut-être mieux. Une autre piste proposée par l’Incal est le changement d’état. En effet, l’ensemble de l’histoire s’inscrit dans les concepts techniques de l’alchimie qui consistent à changer des matériaux dits vils (comme le plomb) en matériaux nobles (comme l’or justement). Ce changement d’état peut même prendre la forme d’un double état constant, comme il a été constaté dans les travaux autour des mathématiques quantiques, un double état qui permet de préserver l’équilibre de l’univers. L’Incal aurait peut-être ainsi touché juste ; l’équilibre est rétabli.

    Graphiquement, Moebius fait du Moebius dans tout ce qui le rend grand. Des décors incroyables, des trognes magnifiques, un bestiaire de créatures hallucinant, des vaisseaux spatiaux immenses, des doubles pages qu’il faudrait encadrer et porté aux musées, un découpage dynamique, que demander de mieux ? Certes, 40 ans après, les couleurs pourraient paraître un poil pâlottes, les ordinateurs un peu dépassés. Mais finalement, ce sont ces détails qui donnent un ton intemporel à cette oeuvre parfois très steampunk où Moebius excelle encore et toujours dans l’art de la hachure.

    De l’univers de l’Incal vont être déclinés de nombreux spins off, avec Jodorowsky aux commandes. Tout d’abord la brillante « Caste des Méta-Baron », qui peut se lire sans connaître l’Incal. Puis d’autres beaucoup moins réussis comme « Avant l’Incal », « Après l’Incal » (que Moebius abandonnera, ne s’entendant plus avec son collaborateur), « Les Technopères » ou encore « Megalex » qui ne méritent pas vraiment l’acquisition.

    « L’Incal » est une série qu’il convient d’appréhender dans son ensemble. Certains moments pourront paraître abscons, il faudra même relire quelques passages pour tout saisir, les incohérences seront régulières, mais le charme fou de cette série, son ambition novatrice, son action soutenue omniprésente, son côté new age très rétro, son humour, ses fulgurances narratives, sans parler de ses graphismes géniaux, en font une série que tout fan de science-fiction se doit de découvrir.


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