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    Locke & Key

     

    Scénario :   Joe Hill
    Dessin :   Gabriel Rodriguez
    Genre :   Fantastique
    Année :   de 2010 à 2014
    Edition :      Bragelonne
    Nombre de tomes :   6
    Statut :   Série terminée
    Public :   Pour adulte et adolescent


    Locke & Key tome 1 Locke & Key tome 2 Locke & Key tome 3

    Locke & Key tome 4 Locke & Key tome 5 Locke & Key tome 6


    L'histoire
    La famille Locke est déchirée. Après le meurtre brutal du père et sans raison, par un étudiant déséquilibré, tous emménagent dans la vieille demeure familiale. Mais quand une île s'appelle Lovecraft, la prudence est de mise ! Derrière les portes closes se dissimulent des secrets dangereux.

    Locke & Key extrait 01

    Mon avis
    "Locke & Key" est une nouvelle illustration que le comics américain ne raconte pas seulement l’histoire de super héros improbables avec de supers pouvoirs face à des super méchants. Ce comics en six tomes narrés par le remarquable Joe Hill, ravira les fans de l’horreur, du fantastique, mais également les rôlistes qui prennent plaisir à fouiller, retrouver et dénouer les éléments d’une intrigues complexe pour la recomposer et en découvrir ses secrets. Car "Locke & Key" possède cette ambition, une histoire mystérieuse et complexe, pensée de bout en bout, qui se dévoile petit à petit, par différents éléments, jusqu’au bouquet final, en visitant les thèmes du deuil, de la transmission familiale, et du passage à l’âge adulte. Si ces thèmes peuvent paraitre traditionnels, leur traitement est d’une originalité rarement vue dans l’univers de la bande dessinée.

    Joe Hill s’est certainement fait très plaisir en pensant cette histoire qui s’étale sur plusieurs décennies. Il faut croire que l’auteur est sensible aux préceptes de la psychanalyse. En effet, l’analogie de la maison familiale, dans laquelle vienne se réfugier les membres de la famille Locke en deuil, avec celle de l’esprit humain est très claire. Derrière chaque porte verrouillée (chaque souvenir, chaque névrose) se trouve une réponse, un secret, une douleur qu’il peut être bon d’ouvrir ou de laisser fermer, tout dépend de qui tournera la clef dans la serrure. Et dans tous les cas, il vaut mieux être accompagné pour affronter ce qui se cache derrière. Hill, petit génie de la dramaturgie, démarre son histoire de manière plutôt classique, un père assassiné brutalement et sans raisons apparentes, une famille dévastée, des ressentiments, des secrets qui ne demandent qu’à être résolus, une maison inquiétante. Puis il rajoute très vite un élément fantastique peu habituel. Certaines portes de la maison familiale, si elles sont ouvertes avec certaines clefs, donnent à celui ou celle qui les utilise certains pouvoirs puissants qui peuvent évidemment avoir des conséquences dramatiques si ceux-ci tombent entre de mauvaises mains. L’auteur maniant à la perfection la structure de son histoire, n’hésite pas à la raconter sur plusieurs temporalités, les lier, les délier, y mêler des flash-back, pour rajouter encore en mystère ; des révélations faisant écho à des chapitres précédents ou à venir sans jamais prendre le lecteur pour un idiot, car c’est à lui que reviendra la tâche de tout reconstruire. Il faut également ouvrir l’œil, car Hill ne fait pas forcément un gros plan sur chaque détail important pour comprendre certaines actions des personnages, d’où l’importance de bien scruter les dessins où tout y est révélé, mais pas forcément de manière explicite. De plus, et c’est suffisamment rare pour le souligner, le scénariste a tout pensé, à la page près. Ainsi, l’histoire se termine de manière aussi solide qu’elle a commencé, chaque porte, chaque intrigue et sous-intrigue, étant complètement pensée, intégrée, et refermée.

    Avec son système de portes et de clefs magiques, Joe Hill donne une nouvelle vision de la transmission transgénérationnelle des traumatismes familiaux, qu’il faut dans tous les cas exprimer et soigner, sans quoi ceux-ci continuent de faire souffrir les descendants sans même savoir pourquoi ils souffrent ; le secret étant la pire des solutions. Les héros de cette histoire s’en rendent compte très vite. Il faut passer au-dessus de ses ressentiments si l’on souhaite se construire. Le passage à l’âge adulte demande un prix à payer, celui de pardonner à ses parents et faire le deuil de son enfance.

    Ce sont souvent les dessins de cette oeuvre qui peuvent rebuter, ou destabiliser, lorsque le lecteur l’ouvre pour la première fois. En effet, Gabrielle Rodriguez, s’il s’inscrit dans des graphismes très comics pour le coup, possède une rondeur singulière dans son trait, avec ses personnages presque cartonnesques, le tout entrecoupé de scènes très gores et très violentes. Cela a de quoi surprendre. Sans compter que certains chapitres sont dessinés dans un autre style graphique qui déstabilise encore et prend pourtant tout son sens avec les derniers chapitres. De plus, de nombreux détails, pour appréhender complètement l’intrigue, sont distillés dans les décors ou sur les personnages, il n’est donc pas possible d’enchainer les planches à la manière d’un comics traditionnel, sans quoi le lecteur risque de passer à côté de nombreuses explications et ne pas comprendre certaines actions des personnages. C’est aussi un autre aspect très particulier de cette oeuvre, les capacités d’observations du lecteur sont sollicitées, sans jamais tomber évidemment dans un jeu, plus qu’une BD. Une attention plus appuyée est donc de mise, c’est certain.

    "Locke & Key" possède toutes les qualités pour devenir une oeuvre majeure du genre. Une scénario béton, des graphismes uniques et une ambiance totalement nouvelle qui va marquer l’histoire de la bande dessinée américaine pour longtemps. A noter que quelques histoires dérivées ont été également réalisées et peuvent se lire (ou pas) en parallèle de cette série unique. De plus, les éditions Bragelonne proposent trois intégrales (à raison de deux tomes par intégrale) qui permettent d’inscrire cette magnifique série dans un superbe objet qui rend hommage aux talentueux auteurs que sont Hill et Rodriguez, et qui permettront au lecteur une découverte encore plus agréable de cette histoire.

     


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    Apocalypse sur Carson City

     

    Scénario :   Griffon
    Dessin :   Griffon
    Genre :   Fantastique, horreur, humour
    Année :   de 2010 à 2018
    Edition :      Akileos
    Nombre de tomes :   7
    Statut :   Série terminée
    Public :   Pour adulte et adolescent, avec réserves


    Apocalypse sur Carson City tome 1 Apocalypse sur Carson City tome 2 Apocalypse sur Carson City tome 3

    Apocalypse sur Carson City tome 4 Apocalypse sur Carson City tome 5 Apocalypse sur Carson City tome 6.1

    Apocalypse sur Carson City tome 6.2


    L'histoire
    État du Nevada, à quelques jours d’Halloween.  Les frères Blackwood, recherchés pour une série de braquages, croisent au cours de leur cavale, le terrible shérif B. Justice et son adjoint. Dans le même temps, à l’autre bout de l’État, dans un des labos de la fameuse zone 51, le général Matthews découvre avec horreur les abominables résultats des expériences top-secrètes menées par le docteur Phobic... Bientôt, l’enfer s’ouvrira et Carson City en sera la porte !

    Apocalypse sur Carson City extrait 01

    Mon avis
    Si l’on devait résumer "Apocalypse sur Carson City" en un seul mot, ce serait "jubilatoire". Le dessinateur de "Billy Wild", Guillaume Griffon, signe ici, seul, une oeuvre horrifique, un témoignage d’amour pour le cinéma de série B et de série Z, dans tout ce qu’il a de puissant, drôle et touchant. La construction de cette série fait écho au cinéma bis, tant dans le découpage, les cadrages, la caractérisation des personnages, que les dialogues qui font mouches ; certains personnages balançant des punchs lines quasiment à chaque réplique. Le scénario complètement déjanté (mais pas pour autant idiot) fait lui aussi référence à ces films des années 70-80 où l’enjeu était surtout de trouver prétextes à des explosions d’hémoglobines, de tripaille, de cervelles éclatées.

    Le ton cinématographique est donné avec la couverture et dès l’ouverture de chaque tome, via les remerciements à la municipalité et les habitants de Carson City, comme si un tournage barbare s’y était déroulé. Tous les chapitres sont introduits par une image illustrant un film (par forcément Z !) et une citation. Les situations et les répliques évoquent également le cinéma de genre, de "Psychose", à "Indiana Jones et le temple maudit" ! Mais ce n’est pas tout, puisque l’auteur se paie même le luxe de mettre en scène des personnages incarnés par des vrais acteurs tant du cinéma que de la télévision. Je n’en dis pas plus, pour laisser la surprise, mais les fans de la génération 70-80 y trouveront leur plaisir. Griffon aime aussi le jeu vidéo et le jeu de rôle. Ainsi, chaque personnage est introduit par une fiche technique listant ses points faibles, ses points forts, ses attaques spéciales et même sa durée de vie ; certains combats rappelant les parties frénétiques de "Mortal Kombat", de "Dragon Ball", voir des "Chevaliers du zodiaque". Il y a même des boss de fin ! Tout cela pourrait ressembler à un joyeux foutoir, mais il n’en est rien. Le talent de Griffon fait que ce dernier parvient, avec finesse, à intégrer ces multiples éléments dans une histoire solide, pleine d’humour (noir, évidemment), aux multiples rebondissements, qui tiennent en haleine jusqu’au bout. Certains tomes possèdent des structures narratives bien pensées, la narration construite en flash-back ou déstructurée afin de dynamiser encore l’affaire, rendant hommage une nouvelle fois au cinéma, via l’univers de Tarantino, et même d’Orson Wells !

    Les dessins de Griffon sont tout simplement superbes. Sous coup de crayon est nerveux, son noir et blanc (sans gris !) donne un ton encore plus sale à son histoire. Le découpage est audacieux et la caractérisation physique des personnages bien pensée (avec une évolution tout au long des 7 tomes). Les planches fourmillent d’un nombre de détails impressionnants (l’auteur gratifiant également le lecteur de doubles-planches incroyables), si bien qu’il est souvent nécessaire de s’arrêter dans sa lecture pour contempler, chercher, explorer les moindres recoins des nombreux décors. Justement, là où Griffon fait fort, c’est son exploration, par tome, des décors : le lac, le cimetière, la maison hantée, la forêt, le supermarché, l’hôpital, la rue, le désert, etc. Autant de clins d’oeil au cinéma qu’il aime.

    Explosition de crâne, arrachage de membres, coups de pelle, monstres tentaculaires, poursuite de voiture, maison hantée, flic zélé, zombies putréfiés, vengeance, dingues de la gâchette, combats testosteronés, filles plantureuses, cimetière brumeux, étudiants débiles, singe géant, scientifique fou, armée américaine, kung-fu ; tous les ingrédients du film Z sont présents dans une bouillie d’hémoglobine, à faire pâlir "Walking dead", qui raviront les fans du genre, également fans de BD ! Évidemment, cette oeuvre n’est peut-être pas à laisser entre toutes les mains, la nausée n’étant pas loin pour les âmes sensibles. Mais Griffon montre ici qu’on peut rendre hommage au genre, tout en apportant de la fraicheur et une vraie vision d’auteur.


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    La légende des nuées écarlates

     

    Scénario :   Saverio Tenuta
    Dessin :   Saverio Tenuta
    Genre :   Fantastique
    Année :   de 2006 à 2011
    Edition :   Les Humanoïdes Associés
    Nombre de tomes :   4
    Statut :   Série terminée
    Public :   Pour adulte et adolescent



    La légendes des nuées écarlates tome 1 La légendes des nuées écarlates tome 2 La légendes des nuées écarlates tome 3

     

    La légendes des nuées écarlates tome 4


    L'histoire
    Meiki est jeune artiste spécialisée dans le Bunraku, des spectacles de marionnettes à taille humaine, est pourchassée par les gardes du Shogunaï, roi de la région. Ses histoires pourraient être prophétiques et menacer le pouvoir. Fuyant les soldats, elle trouve une aide inattendue en la personne d’un rônin masqué, manchot mais d’une force incroyable. L’attaque du village par groupe d’izunas, des animaux mi-loup mi-fauve, immenses et sanguinaires, précipite sa fuite. Mais le guerrier venu l'aidée est grièvement blessé dans la fuite. Il se nomme Raido, et ne se souvient pas de son passé. Une chose est sûre pourtant, son destin est lié à Meiki, et celui de tout le pays menacé par l'hiver mystérieux, magique, impénétrable, qui s'installe et qui dévore tout sur son passage.

    La légendes des nuées écarlates extrait 01

    Mon avis
    Fans de magie, de mysticisme, de combats épiques et de contes japonais, "La légendes des nuées écarlates" est pour vous ! Voici quatre tomes d'une beauté et d'une puissance rares. Si l'histoire n'est pas des plus originale, sa narration est plutôt bien vue car celle-ci va se dévoiler à travers de nombreux flashbacks qui proviennent des souvenirs des personnages principaux, tant chez les bons que chez les mauvais. Si bien qu'il convient de bien lire les quatre tomes d'affilés (au moins les trois premiers) pour ne pas se retrouver trop perdu entre les différents personnages, les groupes dissidents, et les légendes, dont les noms japonais pourraient déstabiliser certains. De plus, Saverio Tenuta a la bonne idée de ne pas prendre le lecteur pour un idiot. Ainsi, s'il montre à peu près tous les éléments pour bien comprendre l'histoire et ses différents niveaux de lecture, il n'explique rien ; certains indices se cachant dans des détails, des paroles au sens ambigu, des scènes mi-rêvées mi-réelles, ou des paraboles poétiques. Tout est là, mais il faut faire l'effort de recomposer ; et c'est un vrai plaisir.

    Graphiquement, c'est somptueux. On notera que l'auteur joue avec deux couleurs principales qu'il mêle au besoin et au plaisir : le blanc claquant avec la neige immaculée, le ciel lourd, les robes larges où les toiles de peintures nues ; et le rouge qui évoque immédiatement le sang des combats, mais également les feuilles des arbres, les lèvres rouges ou la peinture qui est utilisée par l'une des anti-héroïnes. Les paysages sont grandioses et les batailles sanglantes qui tranchent avec les subtils vers poétiques distillés tout au long des quatre tomes.

    C'est à travers la poésie que l'auteur cherche à nous expliquer que la source du mal est souvent la rancoeur, le malheur, la tristesse, et que la perfection n'est atteignable que dans la douleur. Il nous raconte que tous les personnages ne sont que des marionnettes dont les fils sont tirés par d'autres marionnettes. Pour couper ses fils, et gagner sa liberté, il faut accepter de se laisser tomber dans le vide au risque de ne pas y survivre.

    Une bien belle oeuvre qu'il faut découvrir évidemment découvrir en grand format pour profiter de ses planches ésotériques. A noter que plusieurs intégrales sont disponibles et qu'un second cycle consacré aux izunas est en cours de parution.


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    Rêves d'enfants
    titre original : Dômu

     

    Scénario :   Katsuhiro Otomo
    Dessin :   Katsuhiro Otomo
    Genre :   Fantastique
    Année :   de 1980 à 1983
    Edition :      Les humanoïdes associés
    Nombre de tomes :   3
    Statut :   Série terminée
    Public :   Pour adulte et adolescents



    Rêves d'enfants tome 1 Rêves d'enfants tome 2 Rêves d'enfants tome 3


    L'histoire
    1980. Depuis plusieurs années, au milieu d'un groupe de barres d'immeuble où vivent plusieurs centaines de familles, se déroulent de bien étranges évènements : suicides, incendies, agressions, disparitions, morts inexpliquées, etc. En tous, plus de vingt décès auraient été constatés, suffisamment pour que la police commence à se poser de sérieuses questions. C'est à l'inspecteur Yamagawa, à qui est confiée l'enquête, qui remarque qu'à chaque incident, la victime se voit dépossédée d'un objet personnel. S'il y a un assassin, où se cache-t-il parmi ces immeubles qui semblent formés une ville dans la ville, où tout le monde se connait, sans se connaitre.

    Rêves d'enfants extrait 01

    Mon avis
    Avec "Rêves d'enfants", Otomo prépare la série qui lui vaudra, quelques années après, une renommée mondiale, Akira. Mais déjà "Rêves d'enfants" lui permet de se faire remarquer en remporter le grand prix de la science-fiction au Japon et préfigurant de la BD moderne avec pratiquement 20 ans d'avance sur son temps, comme le font souvent les japonais en matière de bande-dessinée.

    Si cette série démarre comme un polar traditionnel, très vite elle bascule dans le fantastique en révélant le meurtrier et ses mobiles qui sont pour le moins, justement très enfantins. Comme un gamin qui s'amuse, de manière malsaine et pourtant tellement humaine à brûler des fourmis, le meurtrier torture et tue, s'intéressant plus à la souffrance, qu'à l'être qu'il tue. L'auteur rapproche l'enfant et son jeune âge et le vieux qui, en perdant sa jeunesse, redevient enfant. Puis il les confronte tous les deux, créant des liens mais également des oppositions violentes. Qui est vraiment un enfant ? Qui veut le rester ? Qui veut grandir, pour vieillir et mourir ?

    Le trait du dessin est méticuleux (il faut se perdre dans les détails impressionnants des décors !) et les cadrages sont stylisés à la manière d'un film de cinéma. Le découpage très nerveux donne un rythme qui s'accélère jusqu'à une explosion d'action hallucinante, avec des cases tenants des doubles-pages chargées d'une intensité rare. Cette oeuvre se lit à toute allure, sans temps mort, passant d'un ton parfois teinté d'un léger humour japonais (pas toujours évident pour les européens), pour basculer dans des scènes très violentes où les jets d'hémoglobines recouvrent les murs et les visages terrifiés des personnages qui peuplent les barres d'immeubles sombres, sales et usées ; la résidence d'immeubles devenant elle aussi un personnage de l'action.

    En lisant "Rêves d'enfants" ont appréhende tout le génie d'Otomo et l'importance de cette oeuvre dans l'histoire de la BD. Plusieurs éditions sont déjà sorties en France, dont la majorité malheureusement, en sens de lecture occidentale. A noter qu'une édition de 2008 des Humanoïdes Associés reprend le sens de lecture originale et c'est dans cette version que le lecteur sera au plus proche de l'oeuvre qu'a voulu Otomo.


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    Pauvre Sydney !

     

    Scénario :   Charles Forsman
    Dessin :   Charles Forsman
    Genre :   Fantastique, chronique sociale
    Année :   2018
    Edition :     
    Nombre de tomes :   one shot
    Statut :   Unitaire
    Public :   Tout public, avec réserves


    Pauvre Sydney couv 01

    L'histoire
    Comme beaucoup de jeunes de son âge, Sydney se pose beaucoup de questions, car elle ne se reconnaît pas du tout dans le monde qui l’entoure. À quinze ans, elle est plutôt grande, fine et réservée, la puberté ne lui a pas fait de cadeaux. C’est dans une banlieue pavillonnaire qu’elle habite seule avec sa mère et son petit frère depuis la mort de son père. Elle a le béguin pour Dina, sa voisine et meilleure amie qui lui préfère les abrutis finis du lycée. À la demande de la conseillère pédagogique de son lycée, elle se raconte dans son journal intime ; ses amours, ses premières expériences sexuelles, son entourage, ses frustrations, mais aussi son énigmatique pouvoir métapsychique.

    Pauvre Sydney ! extrait 01

    Mon avis
    En voilà une oeuvre singulière que "Pauvre Sydney". Il y en a tant qui traient de l’adolescence et de sa recherche identitaire, mais si peu de cette manière. En effet, ici l'auteur afflue notre héroïne d'un curieux pouvoir : celui de faire mal dans la tête des gens. Sans compter que cette adolescente n'est pas du tout l'archétype de la petite américaine jolie, sympa avec tout le monde et un peu mal dans sa peau. Sydney est grande, maigre, a des boutons sur les cuisses, un caractère loin d'être facile et n'hésite pas à insulter ceux qu'elle n'aime pas. Depuis la mort de son père, Sydney ne va pas bien. Sa mère vit également très mal la disparition et Sydney n'arrive pas à ne pas lui en vouloir. Sydney se cherche aussi, sexuellement notamment, de vraies pulsions. Elle ne sait pas si pas c'est normal ou pas, mais c'est comme ça. Par contre, ce qui n'est pas normal et qui lui fait vraiment peur c'est qu'elle parvient à planter des douleurs insupportables dans le crâne de n'importe qui, jusqu'au sang... C'est ce qu'elle va nous raconter dans le journal intime qu'on vient de lui donner.

    Forsman ne faillit pas à sa réputation de conteur d'histoire dont il maitrise tout à fait la construction. C'est prenant et c'est fluide. Ici, pas de concession avec l'adolescence. Les ados peuvent être insupportables lorsqu'ils se construisent, et oublient souvent qu'ils l'ont été lorsqu'ils grandissent. Mais ce que raconte surtout Forsman, c'est que lorsqu'on ne sait pas qui l'on est, que l'on a justement tout à construire de soi, notamment dans le regard cruel des autres, il est facile de ne plus pouvoir supporter l'autre, notamment ses proches que l'on continue pourtant d'aimer. L'adolescence est très violente car elle ne fait pas de cadeau et les cicatrices laissées ne disparaissent que rarement. Il pose aussi la question de qui est le monstre de qui ? Sydney et ses pouvoirs, l'insupportable copain extrémiste de sa meilleure amie, son pôte d'enfance le souffre douleur du lycée, sa copine Ryan brutale et droguée, etc. Tout est une question de point de vue. Mais il est certain que le monde n'est pas fait pour les hyper sensibles et qu'on final, soit ils explosent eux-mêmes, soit ils font tout exploser sur leur passage, les deux options étant cumulables.

    Graphiquement, il est certain que plus d'un seront rebutés. Sydney, dont le physique oscille entre Olive et Tintin, n'attire pas tout de suite l'oeil sur la couverture jaune minimaliste, dans un livre de format poche. Et pourtant, le trait de Forsman est hyper expressif et maitrisé. Les décors sont épurés à l’extrême et les personnages reconnaissables par quelques détails (la coupe de cheveux, la taille ou des lunettes), certains n'ayant pour yeux que deux points. Et pourtant, c'est plus simple expression participe pleinement à l'immersion dans l'univers glauque de Sydney.

    "Pauvre Sydney" n'est évidemment pas une BD dont on s'approche naturellement tant la thématique et le traitement graphique peuvent paraitre lointain au lecteur de bande-dessinée traditionnel. Il serait pourtant dommage de passer à côté de cette oeuvre particulière qui vaut le détour et même d'être relue !


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